Pas d’écran avant 3 ans

Quelles informations générales sur les écrans et les enfants ?

Couverture du livre de Sylvie Bourcier

Déjà, évitez de lire le consternant rapport de l’académie des sciences de 2013. Aucune bibliographie sérieuse ne soutient les conclusions, dont la rédaction est digne d’un exposé niveau collège. Les préconisations sont à la hauteur de celles qu’on retrouve en matière d’alimentation : mangez 5 fruits et légumes par jour, car 10 ce serait bien mais c’est pas possible. Traduisez : l’idéal est 1h de télé par jour car moins de télé c’est vraiment trop dur. Et puis il ne faudrait pas que les gens arrêtent de regarder la télé dès leur plus tendre enfance ! Concernant les écrans en général, on nous recommande même de donner des tablettes numériques aux bébés, car leur format correspond mieux à celui de leur intelligence… Faudra qu’on m’explique d’ailleurs quel est le format de l’intelligence des bébés.

Un article publié par la suite au Monde par des personnes compétentes sur le sujet (notamment Laurent Bègue) réfute une grande partie des affirmations de ce rapport et vous apportera des informations fondées.

Une autre lecture à recommander, que je trouve très exhaustive, si vous aimez les études chiffrées autant que les conseils pratiques et que vous êtes plus ou moins novice sur le sujet : L’Enfant et les écrans – Sylvie Bourcier – 2011 (oui, encore elle).

Pourquoi, dans l’idéal, on évite les écrans avant 3 ans ?

Déjà, parce que ça n’a aucune utilité dans le développement du tout petit. Ses besoins sont d’ordre relationnel, sensoriel et moteur. Or, devant un écran, l’enfant est souvent seul et ne bouge vraiment pas beaucoup, submergé par des informations utilisant uniquement les cannaux  auditif et visuel. Pour son bon développement, l’enfant a besoin d’expérimenter, gambader, bouger, attrapper, dessiner, imaginer, câliner, jouer, monter, démonter, faire semblant, papoter, montrer, demander, commenter, etc etc.

Ensuite, parce que les écrans nous rendent dépendants. C’est vrai pour les enfants, c’est vrai pour les adultes, vous ne pouvez qu’en convenir. Un écran adapté aux tous petits, c’est avant tout un écran marketing. Plus on s’habitue tôt à avoir un produit au design ludique entre les mains, moins on s’en passe. Un bel article d’Héloïse Junier sur les enfants cibles du marketing se trouve ici.

Enfin, parce qu’il existe pas mal d’effets négatifs de l’exposition aux écrans. A court terme : difficultés d’attention, de concentration et agitation. A long terme beaucoup d’autres : faibles compétences sociales, prise de poids, baisse du niveau scolaire, et j’en passe.

Pourquoi alors est-on tenté d’introduire des ecrans si tôt ?

Ce serait un peu comme si les écrans entraient tout seuls dans nos vies. Les images animées sont omniprésentes. La télé ou l’ordi trône dans le salon, les écrans publicitaires fleurissent en ville, les smartphone sortent de presque toutes les poches à tout moment… Bref, c’est seulement activement qu’on peut réduire la présence des écrans.

Ensuite, pour un parent que je suis, un écran c’est magique. L’enfant devant l’écran est captivé, comme happé par les images, ne bouge plus, ne fait pas de bêtise, me sollicite à peine. L’occasion pour moi de baisser ma vigilence, de souffler ou de préparer à manger… Le revers de la médaille, c’est un enfant qui s’en trouve ensuite surexcité. Il n’a pas eu l’occasion de gigotter autant qu’il en aurait eu besoin. Mais aussi, sans « bêtise », il n’a pas expérimenté grand chose.

Et côté contenu ?

Tous les contenus ne se valent pas.

Côté film et dessin animé, les images sont souvent trop rapides pour que le tout petit puisse les comprendre. Certaines vont être angoissantes sans qu’il ait l’occasion d’en parler. Jusqu’à l’âge de 7 ans, l’enfant peut ne pas faire pas la différence entre les histoires réelles et imaginaires, ce qui est d’autant plus embêtant pour les contenus à charge émotionnelle forte ou à valeurs négatives. En effet, à la télé, la violence est souvent banalisée ou devient une solution à la résolution de problèmes. Pour les histoires, les livres en papier/carton sont donc plus intéressants : on peut tourner une page qui fait peur, revenir sur celle qui nous plaît, on a le temps de montrer, de parler…

Avant, après, pendant le dessin animé, la télé va diffuser de la pub. Le problème de bon nombre de pubs est qu’elles échangent les rôles pour tourner les adultes en dérision en donnant une place à l’enfant bien loin de ce qu’on attend de lui dans la réalité. Elles ont aussi un rythme très rapide, et jusqu’à environ 7 ans, l’enfant ne les distingue pas de ses émissions.

Côté média, il y a aussi du contenu à éviter. Au delà des images violentes propulsées aux journaux télévisés et des informations incompréhensibles, il va aussi y avoir une sur-médiatisation de faits très rares mais très anxiogènes. Le fait de parler beaucoup de quelque chose de rare rend cet événement très présent donc très probable et peut rendre l’enfant insécure.

Côté jeux vidéos, on va apprécier le carractère interactif. L’enfant est moins passif et selon le type de jeu sera amené à construire des stratégies, résoudre des problèmes, faire preuve de rapidité, d’observation. Pour ce qui est des jeux de combat, la violence est aussi banalisée et, cela va de soi, valorisée. Ce type de contenu est largement à éviter avant un certain âge, celui où l’enfant est en mesure de prendre du recul face au jeu.

Côté internet, on en parlera plus tard.

En bref, quelles recommandations ?

  • Pas d’écran avant 3 ans
  • Vérifier le contenu avant de le présenter à l’enfant, quel que soit le support, en tenant compte de son âge.
  • Limiter la durée d’exposition (15 minutes par jour pour les plus jeunes, puis un dessin animé de 20 min, etc).
  • Limiter les contextes d’exposition : pas pendant le repas, pas dans la chambre, pas juste avant de se coucher, pas avant d’aller à l’école
  • Etre présent, en interaction avec son enfant : lui parler de ce qu’il regarde, lui poser des questions, décoder les émotions observées et ressenties.
  • Se méfier de la pub et du marketing : une chaîne TV pour les moins de 3 ans ou une tablette pour les moins de 3 ans, on peut trouver ça mignon mais c’est juste nimp.
  • Etre un exemple pour l’enfant : mettre les écrans au second ou troisième plan, montrer qu’on a plus de plaisir à passer du temps avec son enfant et dans d’autres activités qu’avec les écrans, revoir les priorités et les valeurs à transmettre.
  • Eviter d’utiliser la privation d’écrans comme punition.
  • Et surtout, favoriser une variété d’autres activités !

Et pour ceux qui ne sont toujours pas convaincus, Till The Cat propose un super comparatif des tablettes adaptées aux plus petits, de quoi préparer vos cadeaux de Noël en toute connaissance de cause ! Moi c’est sûr, je confisque toutes les tablettes !